La communauté à l’ère de l’intelligence collective

Concepts, grands principes et méthodologies

 

Communauté politique, communauté nationale,

Communauté d’entreprise, communauté virtuelle,

Communauté d’idées, communauté de pratiques…

On pourrait continuer tant la liste est longue.

 

Ce terme est employé dans des contextes aussi divers les uns que les autres, pour désigner des collectifs aux vocations et modes d’organisation bien différents.

Mais alors, quelle réalité ce terme recouvre-t-il ? Existe-t-il des propriétés communes à toutes les communautés ? Et surtout, comment faire vivre une communauté, et lui permettre de démultiplier son impact ?

Dans cet article, nous vous proposons d’abord d’explorer le concept des communautés, de décrypter ses ambitions et son fonctionnement ; puis nous pourrons découvrir des approches méthodologiques utiles pour les animer et les faire vivre durablement.

 

Définition et caractéristiques des communautés

 

Un petit détour étymologique

Le terme « Communauté » se décompose en “co”, le partage, et “munus”, l’obligation, la dette, la charge.

En somme, une communauté se définit par le partage d’une charge à accomplir collectivement.

C’est l’identification d’un bien commun, que les individus cherchent à atteindre ensemble, et c’est par cette quête collective qu’ils s’organisent en communauté.

Ainsi, la communauté existe et ne tient que par la volonté des membres qui la composent, de partager ensemble ces obligations communes.

 

Différents usages du concept

Ce terme est employé dans de très nombreux usages, ce qui rend difficile sa compréhension. Voici à titre d’exemple quelques cas d’application :

  • En philosophie politique, pour définir les modes d’organisation de la société ;
  • Dans les sciences sociales en général, pour définir l’appartenance et les interactions des individus à ces groupes ;
  • Dans les milieux politiques institutionnels, pour parler des institutions politiques (communauté européenne, communauté de communes, etc.) ;
  • Dans la sphère numérique, pour parler des réseaux et communautés virtuelles ;
  • Dans le monde des organisations, pour mener des projets à travers une approche communautaire.

Dans cet article, nous nous focalisons surtout sur le concept tel qu’il est défini et appliqué dans ce dernier écosystème.

 

Quelques caractéristiques partagées par toutes les communautés

 S’il existe un très grand nombre de communautés, elles partagent toutes ces caractéristiques :

  • Une vocation : c’est l’ambition ou les objectifs partagés par les membres ;
  • Des règles d’appartenance et de fonctionnement ;
  • Une “mémoire collective”, qui passe par la capitalisation des informations et connaissances échangées ;
  • Un fort sentiment d’appartenance, qui définit la volonté des membres d’appartenir et de s’identifier à la communauté, et de se sentir responsable de son évolution ;
  • Une forte récurrence dans la participation des membres, aux rituels ou projets de la communauté
  • Une forte interaction entre les membres, lors de ces événements, ou entre ceux-ci, de manière informelle.

 

Une typologie des communautés

À cette définition générale, nous proposons une typologie des différentes communautés, en fonction de deux critères principaux :

  1. Le degré d’interaction entre les membres, via les cadres formels ou les échanges informels
  2. Le besoin de participation des membres, pour atteindre l’ambition collective

On peut ainsi classifier les communautés en fonction de ces deux critères. On obtient donc :

  • Les communautés de pratiques, qui permettent de diffuser des méthodes, des bonnes pratiques, entre membres pour développer un apprentissage collectif. C’est le cas des Explorateurs du Numérique, communauté d’agents publics portée par la Métropole du Grand Paris, pour favoriser la montée en compétence des agents sur le numérique.
  • Les communautés d’expertises, qui regroupent des praticiens ou experts d’une thématique pour résoudre des problèmes complexes, ou créer de la connaissance nouvelle. On peut penser au GIEC, groupement international d’experts sur le climat, qui se réunit régulièrement et échange pour identifier les risques du changement climatique.
  • Les communautés de projets, qui mobilisent des acteurs pour passer collectivement à l’action et réaliser des projets. En exemple, citons la Fabrique des Mobilités, grand collectif d’acteurs de la mobilité, réunis pour identifier et mener des projets qui inventent les mobilités durables de demain.

 

Typologie utilisée par bluenove dans le cadre d’un projet
pour la Direction Interministérielle de la Transformation Publique

 

 

Les grands principes à garder en tête dans l’animation de communautés

 

Au regard de cette catégorisation, quelques grands enseignements apparaissent sur ce qu’est une communauté, comment elle fonctionne, mais aussi sur ce qu’elle n’est pas.

 

Ce qu’une communauté n’est pas

 

Une communauté n’est pas un réseau

Tout comme une communauté, un réseau est un collectif organisé en dehors d’un cadre hiérarchique ou organisationnel classique (entreprise, administration, …), qui se regroupe autour d’un objet ou projet clairement identifiable. A ce titre, les collectifs d’alumnis d’écoles de commerce ou d’ingénieur sont des bons exemples de réseaux.

A la différence d’une communauté, un réseau génère une plus faible récurrence dans la participation, et moins d’interactions entre les membres. Ce point est fondamental.

Le terme anglais “Community management” est trompeur, car il englobe à la fois les communautés et les réseaux. Il est souvent utilisé pour définir une activité des entreprises qui cherchent à informer et fédérer leurs abonnés sur les réseaux sociaux, pour en faire des ambassadeurs de leurs marques.

Si les techniques utilisées par les marques pour faire adhérer massivement à leurs produits sont utiles pour la gestion d’une communauté, ces activités ne sont pas similaires.

 

Une communauté de projet n’est pas une équipe-projet

Une communauté de projet est un ensemble d’individus radicalement convaincus d’une cause ou d’une ambition à faire valoir, et qui décident spontanément de se réunir pour co-agir ensemble, autour de valeurs partagées. Une équipe-projet est un ensemble d’individus régi par un cadre organisationnel, et identifié par une hiérarchie.

La différence est immense : la communauté de projet repose sur une ambition collective et spontanée, l’équipe-projet repose sur un cadre contractuel.

D’une certaine manière, si l’on reprend notre schéma, plus on monte en interaction et besoin d’implication des membres, plus il faut avoir « sécurisé » les niveaux précédents. En ce sens, une communauté de projets est aussi une communauté de pratiques ou d’expertises. Cela se vérifie avec notre exemple de la Fabrique des mobilités, communauté de projets, qui permet également le partage de bonnes pratiques et d’expertises entre les membres.

 

Les principes partagés par toutes les communautés

 

Une communauté ne se décrète pas. Elle se révèle

Faire communauté est un acte spontané, qui ne peut se décider consciemment.

Il s’agit du regroupement d’individus, mus par des valeurs et ambitions communes, qui se regroupent naturellement et s’identifient au collectif qu’ils sont en train de créer.

Ainsi, faire communauté ne peut que s’observer à posteriori, et non se déclarer à priori.

La seule marge de manœuvre possible est de créer les conditions d’un regroupement possible en communauté, puis de laisser se créer (ou ne pas se créer) ce sentiment de communauté.

 

Des profils de membres communs à toutes les communautés

En complément des propriétés partagées ou différenciées entre les communautés, il est également possible d’analyser les comportements des individus qui la composent, notamment au regard de leur implication dans celle-ci. On peut généraliser trois profils types de membres, en fonction de leur engagement dans la communauté :

  • Les proactifs, qui participent régulièrement, sont à l’initiative de rencontres ou d’échanges informels ;
  • Les réactifs, qui réagissent aux contributions des proactifs, où participent aux événements organisés ;
  • Les apprenants, qui sont dans une posture plus passive et contribuent plus faiblement aux activités.

 

Catégorisation générique du profil des membres d’une communauté, au regard de leur implication

 

Ainsi, on se rend compte qu’il est fort difficile de rendre l’ensemble des membres proactifs ; il est même normal qu’une large partie d’entre eux ne le soient pas ! Il y aura toujours des membres moins actifs, c’est le lot de chaque communauté. Tout l’objectif est de faire fonctionner et dynamiser une communauté avec une partie seulement des membres qui se mobilisent.

 

Les principales techniques pour animer une communauté

 

Nous vous proposons à présent de découvrir les approches mises en œuvre chez bluenove pour vitaliser les communautés que nous animons.

 

Approches pour mobiliser les membres

Comme nous l’avons vu, les communautés ne tiennent que par l’implication des membres qui la composent. À ce titre, nous identifions chez bluenove 3 piliers de l’implication des membres :

  • Apporter de la valeur: il faut partir du principe que les individus ont peu de temps et d’énergie à allouer à de nombreux projets. À ce titre, c’est d’abord la valeur tirée de la communauté qui attirera les individus. Il est normal que la démarche soit, dans un premier temps, intéressée.
  • Donner envie: En complément de cette valeur apportée, c’est également l’envie, le désir de s’inscrire dans un projet collectif qui permettra d’engager ces individus. Nous avons en effet accès à de nombreuses ressources, ou de nombreuses possibilités d’implication ; la valeur n’est donc pas le seul moteur de l’engagement. Ce plaisir trouvé dans la communauté peut se trouver dans le lien social ou les expériences partagées entre les membres de la communauté.
  • Responsabiliser: Enfin, pour garantir un engagement sur le temps long, il faut créer les conditions pour que les membres se sentent responsables du devenir de la communauté. Il s’agit de renforcer le rôle des membres et leur sentiment d’appartenance, pour qu’ils s’approprient les échecs et succès de la communauté.

 

Dans cette optique, plusieurs précieux conseils peuvent être partagés :

 

Apporter de la valeur : expliciter clairement l’ambition et la valeur de la communauté

Organiser des temps d’échange pour bien spécifier l’ambition, la valeur ajoutée de la communauté est particulièrement utile, à la genèse de la communauté, ou tout au long de son évolution.

Il est intéressant d’intégrer certains des membres impliqués dans ces exercices réflexifs : cela les engagera davantage, tout en vous donnant des clés de compréhension sur leurs attentes de valeur de la communauté.

En dehors du contenu de l’ambition de votre communauté (votre cause ou vos thématiques), on peut par exemple identifier :

  • Les rituels ou expériences partagées, existants ou à mettre en place ;
  • Les canaux de capitalisation et diffusion des informations, pour faciliter les échanges et conserver au mieux les connaissances principales.

À ce titre, le « community canevas » est précieux pour cadrer ces échanges et identifier les bonnes questions à se poser. C’est un outil complet qui traite de l’ensemble des aspects d’une communauté :

 

Community Canevas : outil de réflexion autour des axes structurants de sa communauté

 

Donner envie : faire vivre des « expériences collectives » à vos membres

Nous avons aujourd’hui plus que jamais besoin de lien social et d’expériences partagées. Le levier communautaire est un bon moyen d’y répondre !

Des temps forts expérientiels et incarnés sont une belle manière de faire vivre la communauté. Ces moments permettent de créer des souvenirs, du plaisir à être ensemble, ce qui de fait, valorisera l’attache des membres à la communauté.

On peut par exemple penser à des visites d’expositions sur des thématiques liées à la communauté. Suivre ces activités en collectif par des temps d’échange entre les membres permet de prendre du recul, de trouver ou faire émerger du sens ensemble, et d’identifier en quoi les inspirations et contenus explorés peuvent être utiles pour la vie de la communauté.

 

  Responsabiliser : impliquer les membres les plus actifs dans l’animation de la communauté

Comme nous l’avons vu, certains des membres sont particulièrement actifs et jouent un rôle clé dans le dynamisme de la communauté. Les impliquer dans le rôle d’animation, à des degrés divers, peut constituer une réelle forme de reconnaissance pour certains membres, qui se sentiront valorisés et se verront éventuellement octroyer un statut et une visibilité au sein de la communauté.

Par ailleurs, mobiliser et responsabiliser ces membres permet de soutenir l’animateur dans ses activités, qui pourra se recentrer sur d’autres tâches importantes : pilotage de la communauté, acquisition de nouveaux membres, relation avec les parties prenantes externes, développement de l’influence de la communauté.

 

Donner envie et responsabiliser : utiliser la « gamification »

La gamification, ou ludification en bon français, désigne l’ensemble des mécanismes du jeu, utilisés pour créer un univers fictionnel ludique, qui crée une identité à la communauté et renforce la motivation des membres. Son objectif est donc double :

  1. Éveiller la motivation des membres, pour augmenter l’acceptabilité d’activités ou de tâches que l’on ne voudrait pas faire naturellement, car considérées comme sans intérêt, répétitives ou rébarbatives
  2. Créer un cadre symbolique et une identité propre à la communauté, qui met en valeur la communauté et responsabilise les membres

Pour atteindre ces objectifs, on peut penser à :

  • Des récompenses lors de certaines actions menées, pour favoriser la participation et l’action ;
  • Un système de rôles sociaux et symboliques propre à la communauté, pour responsabiliser l’engagement sur le long-terme. 

Par exemple, on peut mettre en place un système de points ou de badges gagnés suite à la réalisation d’activités ou à la participation d’un certain nombre d’événements.

Les badges sont une option intéressante, car ils peuvent témoigner des compétences acquises et être affichées publiquement, en dehors de la communauté (via des recommandations LinkedIn par exemple).

 

Approches pour suivre le développement de la communauté
Au lancement de la communauté : penser « MVP »

« MVP » est l’abréviation de « Minimum Viable Product ». C’est une approche qui consiste à créer, comme son nom l’indique, le « produit minimum viable », pour s’assurer qu’il soit rapidement opérationnel. L’objectif étant de l’améliorer continuellement une fois lancée.

En ce qui concerne une communauté, il faut savoir qu’elle n’est pas gravée dans le marbre et que son ambition, ses missions et sa structure peuvent évoluer. L’approche MVP est donc un très bon moyen de rendre rapidement concrète l’offre de service de la communauté (c’est-à-dire sa valeur ajoutée et les modalités pour y répondre), et de la perfectionner au cours du temps et des apprentissages.

Pas besoin donc de chercher dès le début à avoir la meilleure plateforme possible ou des événements avec des centaines de personnes ; mieux vaut se fixer des objectifs réalistes en fonction des ressources disponibles, et les améliorer en continu, une fois ceux-ci atteints.

 

Piloter la performance de la communauté, mais en privé !

Il est important de suivre l’évolution de la communauté, et de piloter l’atteinte des ambitions ou des causes à défendre. C’est la seule manière d’assurer l’impact attendu de la communauté.

Pour cela, il est pertinent d’identifier des indicateurs de performance, ou de tenir une feuille de route d’animation de la communauté, ou un plan de communication (s’il y a vocation à diffuser des contenus aux membres).

Attention ici à ne pas diffuser ces outils de pilotage à tous les membres ; ceux-ci ne doivent pas forcément identifier les rouages ;

Faire communauté, c’est précisément sortir d’un cadre hiérarchisé et des contraintes habituelles du monde du travail, normé, cadré, quantifié. La communauté doit rester pour les membres un espace de liberté, d’inspiration, de lien social et de motivation naturelle. Des termes qui ne riment pas vraiment avec des indicateurs de performance !

 

 

Nous espérons que ces quelques clés de lecture vous seront utiles, et vous donnerons envie…

Envie de raviver ou fédérer une communauté, au service de causes qui vous tiennent à cœur !

 

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