La menace du Covid-19, électrochoc pour l’intelligence collective

La crise sanitaire due au Covid-19 est l’occasion pour nombre d’organisations de déployer des dispositifs d’intelligence collective plus ou moins massifs. Une initiative menée par 61 parlementaires rassemblant plus de 26 000 citoyens et syndicats, 1 100 individus participant au développement collectif de méthodes et outils contre le coronavirus… les initiatives se multiplient et permettent aux intelligences de se retrouver. Tour d’horizon. 

 

Face à la menace du Covid-19, le renouvellement des moyens de lutte et d’information

 

La communauté scientifique, suivant les piliers fondateurs de la science ouverte, s’est coordonnée sur deux plans : la mise à disposition d’informations pour produire la connaissance et la mise en commun de cette connaissance.

 

La mise à disposition de l’information

  • La gratuité des publications scientifiques

Les internautes se mobilisent pour mettre à disposition de tous ceux qui pourraient en avoir besoin les articles scientifiques relatifs aux coronavirus. Sur le site communautaire Reddit, forum de discussion sur des sujets très variés, des internautes ont dès le début de l’épidémie participé à donner accès gratuitement à plus de 5.000 articles de recherche sur les coronavirus, habituellement payants. Il est à noter que depuis le début de la crise, du nombreuses revues payantes ont mis en place la gratuité de leurs articles concernant le coronavirus.

  • La vulgarisation épidémiologique

En parallèle de cette information spécialisée et destinée à un public connaisseur, la vulgarisation épidémiologique a permis à tout un chacun de comprendre les mécanismes de la propagation d’un virus, et fait appel aux connaissances personnelles des individus pour qu’ils adoptent un comportement responsable. À ce titre, c’est principalement les compétences en infographie qui ont permis d’adopter une communication la plus large possible

  • L’open-data sur la situation de l’épidémie

De même, la mise à disposition des données quantitatives les plus récentes sur l’épidémie de Covid-19 assure une transparence sur la situation mondiale, comme le fait la John Hopkins University avec son tableau de bord de l’état de l’épidémie. Celui-ci centralise des informations de sources gouvernementales et non gouvernementales pour rendre ces informations disponibles en open source.

La mise en commun des recherches

La science ouverte, directement héritée des techniques collaboratives numériques en pleine expansion, fait appel à l’intelligence collective de la communauté chercheuse toute entière pour étudier le virus, trouver des tests virologiques et des remèdes. Ainsi, la plateforme JOGL (Just One Giant Lab) utilise des outils numériques grand public (Google Drive, Zoom, Slack…) pour permettre à plus de 1 100 chercheurs du monde entier de travailler ensemble à la découverte d’un test Covid-19 sûr et peu cher. 

Les plateformes américaines FoldIt et Foldingathome, connues des biologistes pour la recherche sur les protéines, permet à tous, tant professionnels qu’amateurs, de tenter de plier les protéines présentes dans le corps humain de façon à empêcher le coronavirus de s’y accrocher. En rassemblant les solutions proposées par les milliers de participants, des jeux de données entiers sont testés et vérifiés. Ce crowd-solving participe à exclure les pliages de protéines inutiles pour enfin arriver à trouver la méthode adéquate à ce virus.

 

 

Vivre et travailler à distance : une réponse au confinement

La crise sanitaire a ébranlé largement tous les secteurs d’activité : professionnel, associatif, politique et citoyen… Mais les habitudes évoluent vite, et le télétravail prend de plus en plus d’importance dans les activités qui le permettent. Ainsi, tandis que la Convention Citoyenne pour le Climat poursuit ses délibérations en utilisant des outils de visioconférence, d’autres initiatives telles que la plateforme Mon travail à distance, j’en parle et un questionnaire de Cog’X permettent aux salariés travaillant à distance de s’exprimer sur leurs situations pour en tirer des observations communes.

Réussir à collaborer à distance 

La Airbus Humanity Lab Foundation a initié au début de la crise un hackathon afin de concevoir un élément connectant les respirateurs artificiels aux désormais célèbres masques de plongée Decathlon. Cette expérience à distance a permis une avancée technique, alimentée par plus de 200 salariés d’Airbus. Le facteur d’éloignement physique a pu être outrepassé sans problème et sur les 116 idées examinées, 30 projets sont en phase de concrétisation. 

Recréer la convivialité

La productivité n’est pas pour autant le seul élément de la vie professionnelle : le risque du télétravail réside dans l’isolement brutal de l’individu. Pour pallier à ce manque de relation sociale, des façons alternatives de se retrouver ont été imaginées. On a donc vu fleurir les espaces de discussion sur des plateformes comme Discord et Zoom notamment. Touchant particulièrement les plus jeunes, le même besoin de continuité du lien social a pu s’exprimer dans les jeux vidéos en ligne, espace d’échange entre les personnes confinées.

 

 

Réfléchir à l’après crise

De différentes natures, les initiatives portées sur le devenir de notre société après la crise sanitaire vont du sondage à la concertation. 

Dès le 4 avril 2020, un collectif de parlementaires du centre et de la gauche lance la consultation Le Jour d’après pour que les citoyens français puissent réfléchir ensemble au lendemain de la crise sanitaire. En faisant ressortir des sujets de priorisation de l’hôpital dans les politiques publiques, mais aussi de végétalisation et d’encadrement strict des salaires, la population concertée découvre une vision globale du futur au prisme de la situation actuelle : on ne pourra sortir de la crise sans transformer le monde d’aujourd’hui.

Le débat Notre nouvelle vie, porté par bluenove en partenariat avec le groupe TF1, Sciences Po, et avec l’appui de Cognito, offre aux citoyens la possibilité de s’exprimer sur leur vécu du confinement et sur leur aspirations pour le monde de demain. Le fait que cette initiative soit portée par l’un des plus grands médias français interpelle sur le rôle de ces derniers dans la transition vers un lendemain différent. En cherchant l’opinion publique, TF1 s’affirme comme canal majeur de l’expression citoyenne de la population. 

Dans le même temps, la plateforme de design fiction Bright Mirror a recueilli une centaine d’histoires racontant le quotidien et les attentes qu’ont les citoyens, via le projet Récits d’aujourd’hui. L’initiative Futurs proches invite également à la production collective de micro-nouvelles décrivant un futur désirable. Ces deux initiatives constituent une étape non négligeable du cheminement de l’intelligence collective : la production intellectuelle de situations idéales, vers lesquelles on voudrait tendre.

La plateforme Après, maintenant fédère toutes ces initiatives recueillant les avis des citoyens sur l’après Covid-19. Fruit de la collaboration d’acteurs de la participation et de la concertation tels que bluenove, Toguna et Make.org, Après, maintenant centralise les propositions pour amorcer une transition vers un autre modèle sous le contrôle d’un comité éthique. 

Parmi les résultats des différents débats et plateformes participatives, on retrouve des attentes sensiblement similaires : sociales, écologiques, besoin de co-construction… Les participants semblent avoir de l’espoir pour ce dont demain sera fait. Et cet espoir doit être soutenu ! S’il incombe à l’administration et aux entreprises de créer des espaces d’expression, ceux-ci ne pourront servir à rien sans la participation de chacun. Qu’il s’agisse d’imaginer, d’exclure, de construire, travaillons ensemble à engager la transition

 

Dans une crise mondiale qui menace tous les individus, on peut pourtant s’interroger sur les façons de mobiliser l’intelligence collective et l’opportunité que cette intelligence collective peut représenter. Les démarches engagées doivent découler d’une volonté d’inclusion la plus large possible, sans quoi elles ne pourront s’adresser aux personnes en situation de fracture numérique ou peu touchées par les dispositifs de participation citoyenne. La nécessité de garantir un droit à l’information mais aussi à l’expression de tous se fait plus que jamais ressentir, afin de pouvoir travailler ensemble pour avoir des résultats collectifs et des empowerments individuels.