Les dynamiques d’intelligence collective massive : nouvelles opportunités pédagogiques pour l’Enseignement Supérieur (2/2)

La première partie de ce retour d’expérience a offert une perspective subjective des coulisses du Hackathon Skema 2021 sur les organisations inclusives (l’article précédent), tandis que cette seconde partie tente de décoder les bonnes pratiques inspirées par ce cas unique pour favoriser l’émergence de nouvelles dynamiques d’intelligence collective dans l’éducation supérieure. Une question fil rouge traverse l’ensemble de cet article : peut-on décrypter les composantes d’un modèle opérationnel pour innover grâce à l’intelligence collective massive dans l’enseignement supérieur ?Préambule : notre équipe reste humble et cet article n’est que le témoignage d’artisans et d’activistes de l’intelligence collective.  

III / Créer de nouvelles dynamiques pédagogiques dans l’Enseignement supérieur par l’intelligence collective massive

Le Hackathon Skema est une invitation à sortir des sentiers battus pour traiter des nouvelles thématiques sociétales avec les étudiants. Le pari osé de l’équipe pédagogique consistant à bloquer une semaine et faire travailler de manière soutenue plus de 780 étudiants nous livre quelques bonnes pratiques et les ressorts d’un mode opératoire pour démocratiser les démarches d’intelligence collective dans l’Enseignement Supérieur de manière durable.

Le triptyque de l’intelligence collective appliqué à l’éducation met en évidence trois dynamiques complémentaires : les connaissances, l’engagement et les actions.

L’ingénierie pédagogique permet d’activer les dynamiques, elle consiste à établir le juste équilibre entre la base de connaissances nouvelles produite (sources académiques, étudiantes, société civile…) et l’expérience pédagogique. Cette conception dynamique permet à l’équipe pédagogique d’intégrer le volet de l’incertitude qui peut s’avérer utile pour les thématiques récentes et en évolution constante (par exemple : le metavers, le biocentrisme …).

L’articulation des dynamiques s’effectue autour de trois piliers qui incarnent la démarche pédagogique :

  • l’ouverture & la transparence (« l’ethos », la crédibilité de la démarche),
  • les collectifs (« le pathos », la sensibilité collective),
  • et l’apprentissage en mode itératif (« le logos », la logique apprenante).

Concernant le Hackathon Skema 2021, trois bonnes pratiques sont à mettre en lumière :

  • Favoriser la variété entre engagement et connaissances ;
  • Diversifier les contextes d’apprentissages ;
  • Utiliser les compétences du 21e siècle pour faire le lien entre l’employabilité des étudiants et l’expérience.

 

Bonne pratique #1 : favoriser l’intelligence collective massive par les variations entre engagement & création de connaissances nouvelles

 

Les cadences proposées aux étudiants leur offrent une liberté pour s’organiser afin d’explorer et de décider en équipe de leurs avancées.

Tout d’abord, il est essentiel de varier les mailles d’activités proposées entre l’individu, l’équipe, le campus et la promotion. Ces variations vont exercer une influence sur la socialisation des connaissances et l’engagement des étudiants, elles sont idéales pour permettre une diffusion large des connaissances tacites (i.e. idées, astuces, opinions…). Dans le cadre du Hackathon Skema 2021, la socialisation s’effectue par la mise en place des 180 équipes, le multiplex entre les trois campus et les temps collectifs communs à l’ensemble de la promotion pendant la semaine.

De plus, une étape consistant à partager les connaissances doit être mise en place pour les activités performatives (procédés d’externalisation des connaissances), ces dernières produisent de la connaissance explicite, ainsi les actions de diffusion et partage sont indiquées dans des cadres formels (présentations officielles, publications obligatoires pendant certaines plages horaires …). Les étudiants sont engagés dans ces instants précis et ils participent avec une forte intensité à ces instants de mobilisation. Dans le cadre du Hackathon Skema 2021, ces étapes sont clairement orchestrées au travers de : la publication des fictions le lundi soir, la publication des problématiques le mardi, les présentations des canevas aux coachs, les sessions de présentation en amphithéâtre le vendredi matin ou la session des finalistes le vendredi après-midi.

Adapté de la méthodologie du design sprint, chaque journée sert des objectifs progressifs quant à l’évolution des connaissances sur la thématique de la semaine. La combinaison des différentes modalités d’expressions, de collaboration et de livrables supporte la consolidation des connaissances explicites sur les organisations inclusives.

Enfin, la préparation de l’avant, pendant et après hackathon autorise l’internalisation de connaissances par l’étudiant, le programme du hackathon façonne trois stades : la découverte du sujet (définir les notions pour l’étudiant), l’appropriation (identifier des problématiques et des solutions ) et sa conscientisation (donner du sens dans le présent de l’étudiant). Les concepts, les analyses et les réflexions critiques sont accompagnés dans le long court par des actions préliminaires (la consultation avant le hackathon) et des actions postérieures (la consultation de clôture trois semaines après le hackathon).

 

Bonne pratique #2 : orchestrer la diversité des contextes auxquels les étudiants peuvent participer pour multiplier les opportunités d’intelligence collective massive

 

L’intelligence collective est l’agrégat de diverses formes de connaissances implicites et explicites, leur consolidation se réalise par la combinaison des activités, des objectifs pédagogiques et des interventions des protagonistes qui contribuent à la démarche.

Dans le cadre du Hackathon Skema 2021, les savoirs sont principalement apportés par les interventions réalisées par les conférenciers, les experts lors des tables rondes ou la restitution des analyses.

Les procédures sont représentées par le syllabus qui reprendra : l’agenda de la semaine, les consignes pour les exercices, les canevas à utiliser. Les règles sont également incarnées à travers la plateforme d’intelligence collective Assembl et plus particulièrement les modules : le HUB pour la diffusion des ressources, le module de consultation pour le partage des protocoles de questions, le module Design-Fiction pour la publication des fictions, le module débat pour l’animation de l’approfondissement des problématiques, et le module de dépôt des projets.

Les instants de socialisation qui rassemblent les étudiants vont contribuer à la création d’une culture commune, ainsi aider la diffusion collective des connaissances implicites, aussi bien par les routines de chaque campus, les rituels mis en place par chaque équipe, ou encore les réussites de la promotion à travers la semaine.

Enfin, les étudiants contribuent à la production de connaissances liées aux pratiques en réalisant des fictions, des vidéos, des prototypes ou encore en présentant leurs projets aux autres. Le corpus de savoir-faire mobilisés concourt à diversifier les dynamiques d’intelligence collective.

L’enseignement supérieur est un espace idéal pour orchestrer une multitude de contextes culturels visant à créer de nouvelles formes d’expériences pédagogiques, ayant pour finalité de développer les capacités cognitives des étudiants et faire évoluer leur maturité sur des thématiques complexes.

Bonne pratique #3 : Évaluer le dispositif avec le support du référentiel des compétences du 21e siècle

Enfin, créer l’environnement d’apprentissage qui permet l’acquisition et la pratique de connaissances et de compétences clés quant à l’employabilité des étudiants permet d’évaluer sur le long court la pertinence de ces nouvelles propositions pédagogiques.

Pour dépasser les phénomènes de mode et ancrer les opportunités d’apprentissage proposées par les établissements d’enseignement supérieur dans une approche durable, les dynamiques d’intelligence collective ont l’avantage de réussir l’alchimie entre la mise en pratique des capacités, des postures et des savoirs fondamentaux nécessaires à l’étudiant pour se préparer aux défis du 21e siècle. Face à ces thématiques complexes, les formats classiques d’enseignement ne peuvent plus suffire pour appréhender et se préparer aux futures transitions que les étudiants auront à mener.

En dernier lieu , il est clé de pouvoir donner aux équipes pédagogiques les outils et les moyens de créer des expériences pédagogiques antifragiles, capables d’exploiter les intelligences de la multitude et « acceptant la diversité, l’incertitude, l’optionnalité, l’asymétrie, la volatilité, le désordre, l’échec ».  

Esquisse du modèle opérationnel de l’intelligence collective massive dans les projets pédagogiques 

D’un point de vue opérationnel, 10 composantes ont contribué à la qualité du Hackathon Skema 2021 : 

  1. La sélection d’une problématique sociétale qui inscrit dans l’air du temps l’activité pédagogique (opportunité de donner du sens et d’inscrire l’initiative dans son environnement) ;
  2. La mise à disposition d’espaces physiques sur les campus et en ligne sur la plateforme pour permettre ces activités ;
  3. L’articulation des rythmes et cadences d’activités proposées sur la semaine ;
  4. Le parti-pris de la transparence et de l’ouverture sur la collecte, l’analyse et la publication des résultats ;
  5. Le partage et la collaboration globale ;
  6. La reconnaissance de la diversité des profils qui participent ;
  7. L’espace donné à la culture du débat et de la co-construction ;
  8. La production de synthèses intermédiaires pour formaliser les nouvelles connaissances ;
  9. La liberté d’expression sur des sujets polémiques ( assumer une neutralité en précisant qu’il n’y a pas de bonnes ou mauvaises idées) ;
  10. Enfin, l’autonomie accordée aux équipes et aux étudiants pour organiser leur travail.

En conclusion, sortir de la pensée linéaire, hybrider les disciplines et les matières, encourager l’impertinence raisonnée, l’élégance des dilemmes et des controverses, le débat constructif, ce sont des partis pris qui ont encore du mal à se frayer un chemin. Les écoles et les universités ont tout intérêt de s’emparer de l’intelligence collective pour soutenir leur transformation et leurs stratégies pédagogiques, afin de rester des espaces de premier ordre dans la formation des leaders et des citoyens de demain.

Vous êtes un établissement de l’Enseignement Supérieur ou une organisation publiques ou privées dotée d’une université interne, vous souhaitez vous inspirer de ces méthodes et technologies pour engager les réflexions et actions sur une thématique sociétale ? Vous souhaitez en savoir plus ?

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