5 partis pris sur une intelligence collective au service de la gestion de crise

L’intelligence collective a d’ores et déjà prouvé sa valeur dans la dimension sanitaire de la crise du Covid19 : avec la collaboration entre chercheurs, scientifiques et laboratoires du monde entier sur l’analyse du virus, les traitements, les tests et les vaccins; parmi les communautés de Makers ou entre grands groupes (cf. le cas d’Open Innovation avec la collaboration entre nos deux clients Decathlon et Safran et Segula Technologies) avec la fabrication de visières, de masques, d’équipements ; parmi les acteurs de la CivicTech avec des initiatives de consultations citoyennes sur nos vies pendant le confinement et celles espérées pour le monde d’après, etc. Mais qu’en est il au sein des entreprises ? Comment les entreprises gèrent elles l’intelligence collective (confinée et déconfinée) de leurs dizaines, centaines, milliers de collaborateurs et collaboratrices ?

A la vue des cas actuels (mars/avril 2020) d’usage des méthodologies, technologies et plateformes de bluenove par ses clients, voici ce que je perçois à date des partis pris pour mobiliser au mieux l’intelligence collective de l’ensemble des collaborateurs et des managers pendant cette crise inédite du Covid 19, périodes de confinement et post-confinement comprises.

1. On ne peut pas ne rien faire

À l’incertitude à moyen/long terme de l’impact de la crise sur le devenir d’une entreprise (son modèle économique, sa raison d’être, son positionnement stratégique, sa marque, etc.) se mêle à plus court terme l’incertitude sur le vécu du confinement (ce que l’on en a appris à titre individuel et collectif). S’y rajoute l’incertitude sur la sortie du confinement : quid des conditions de « retour au bureau » et des espaces de travail ? Quels changements inéluctables sur les usages collaboratifs et le lien social ? Vient aussi évidemment l’incertitude des modalités concrètes de reprise opérationnelle des premiers jours/semaines et celle de ce qu’il faudra « remettre à plat » le moment venu (projet d’entreprise, business plan, grands projets de transformation, etc.).

Le principe d’aborder l’ensemble de ces enjeux, d’en identifier les questionnements et en co-construire les réponses, sans impliquer l’ensemble des managers et des collaborateurs, bien sur au travers d’outils digitaux à distance, apparait tout bonnement inconcevable. Une approche ‘Top / Down’ avec des décisions et des plans d’actions en X étapes définis en chambre par une Direction déconnectée de ce vécu individuel et collectif inédit, à distance et confiné de ses équipes, serait une terrible erreur de management. On ne peut donc pas ne pas solliciter l’ensemble des collaborateurs en un tel moment !

2. Face à l’incertitude partagée, le questionnement itératif

Le Covid19 et ses effets collatéraux génèrent un niveau d’incertitude jamais rencontré jusque là. En cette période où l’humilité s’impose à la certitude et à l’arrogance de solutions pré-définies, il est important d’accorder, plus que de coutume, le temps au questionnement. Prendre le temps de se poser les bonnes questions et de problématiser les enjeux, ensemble, apparait primordial. Et plus que jamais, avant de partir collectivement dans la résolution des problèmes, les questions ouvertes (versus les questions fermées caractéristiques de solutions trop tôt identifiées) se révèlent être la méthode la mieux adaptée pour solliciter les collaborateurs.

Autre écueil à éviter, celui du syndrome du ‘questionnaire’ (« un de plus ! ») assimilé à un baromètre trop long, qui tarde à être analysé et sans boucle de retour claire et rapide vers les participants. Il s’agit au contraire de privilégier, avec le bon esprit cher au Design, une approche de cycles courts et itératifs, comme une série de vagues. Un 1er jet de questions ouvertes en ligne pendant quelques jours, analysées en 1 journée grâce à un algorithme d’analyse sémantique, puis dans la foulée l’organisation d’un WebEx du Top Management qui en restitue une réaction à chaud auprès des participants soulagés et rassurés de voir si vite ce feedback sur leurs contributions.

Puis une 2ème vague similaire (questions, analyse rapide, boucle de retour), pour approfondir certains des points révélés par la vague précédente et rajouter d’autres aspects apparus depuis, puis une autre, etc. A propos du bon timing de cette première consultation, je dirais au plus tôt : une fois encore, il n’y aura jamais de timing parfait pour les mobiliser toutes et tous, mais plutôt le fait d’y parvenir par vagues successives et itératives. Cette approche parait particulièrement adaptée pour la période d’avril à septembre 2020 qui subira un biseau étalé du déconfinement et des prises de congés restant à organiser.

3. Equilibre entre des questions sur le maintenant et sur l’après

Sur les types de questions à poser, mon expérience récente m’incite à suggérer un savant mélange entre des sujets liés au vécu de la crise et d’autres plus orientés vers une projection sur l’après. Il s’agit d’une part de ne pas tomber dans le piège du diagnostic exhaustif et trop détaillé des problèmes rencontrés voire des irritants pré-existants et accentués par le confinement. Et d’autre part, les premières questions sur l’anticipation du ‘juste après’ et son impact sur le retour à l’activité et sa performance associée sont aussi à adresser.

checklist raison d'être

Comme abordé dans le point précédent, mon conseil serait de ne pas être tenté de peaufiner à l’extrême ce 1er jet, mais plutôt de se jeter à l’eau en prenant en compte les vagues et itérations à suivre pour approfondir, affiner et corriger le tir. Les types de questions récemment proposées par le sociologue Bruno Latour sont à ce titre très intéressantes pour identifier les activités à retirer > réduire > conserver en l’état > renforcer > compléter et comment en assurer la transition.

4. Hybrider le synchrone et l’asynchrone, le temps réel et le temps court, le petit nombre et le grand nombre

La période de confinement aura incontestablement été un accélérateur des usages liés au télétravail et à l’utilisation d’outils digitaux de réunions, visioconférences, ateliers en temps réel à quelques dizaines de participants.  (Zoom, Klaxoon, Microsoft Teams, etc.) tendent à remplacer les moments présentiels pour des échanges ensemble, au même moment, plutôt sur des temps très courts (1h30 maximum recommandé), avec un large spectre de types d’interactions possibles, tant video, vocal qu’écrit : le tout donc en mode synchrone.

Le complément naturel pour permettre notamment à un plus grand nombre de personnes (non plus quelques dizaines mais jusqu’à plusieurs milliers), parfois disponibles à différents moments de la journée, voire à des fuseaux horaires différents, en des langues différentes, avec des rythmes de maturation de contributions plus étalées dans le temps (lire les fils de discussions des autres, se les approprier, les infuser, puis réagir à son tour) sont les solutions asynchrones. Et typiquement, des consultations de questions ouvertes en ligne pendant quelques jours rentrent dans cette catégorie tout comme les réseaux sociaux d’entreprises, les emails ou les forums. J’indique dans le prochain point ci-dessous comment les combiner au mieux.

5. Faire jouer leur rôle aux managers

Lorsque l’on évoque les plateformes numériques collaboratives (réseaux sociaux d’entreprise, solutions d’intelligence collective, etc.), on leur fait souvent le reproche d’être un risque de perte de repères pour les managers qui ont du mal à définir leurs rôles, leur posture et leur valeur ajoutée dans des interactions entre des collaborateurs qui peuvent de facto échanger sans contraintes avec tous les niveaux hiérarchiques de l’entreprise et tous les départements/entités de l’organisation. Ce fameux Manager 2.0 ou ‘Manager de demain’ est un passionnant sujet de transformation et de RH et c’est plutôt une opportunité de le mettre en avant pendant cette phase de gestion et de sortie de crise.

En effet, nous proposons par exemple à nos clients, avec des toolkits adaptés, de doubler l’approche écrite plus haut de questionnement asynchrone, en ligne, sur quelques jours, pour tous, par des réunions synchrones à distance, digitale, de 30 à 45mn, en plus petit nombre avec leur équipe. Une manière de leur faire jouer leur rôle clé pour promouvoir la consultation en cours auprès de leur équipe, en rappeler les objectifs et la mise en perspective dans une démarche d’intelligence collective plus globale, expliquer si besoin les questionnements sous jacents, rassurer sur les boucles de retours à venir garantes de la prise en compte des contributions des participants et de leur motivation pour participer à celles à suivre, et enfin anticiper le plan d’action à venir qui devra être décliné sur son propre périmètre par lui/elle et son équipe tout au long du processus.

J’espère que ce partage de meilleures pratiques que bluenove est en train de vivre avec ses clients contribuera à vous accompagner pendant ce confinement et ce déconfinement (trop) long et progressif et stimulera d’autres partages similaires en bonne intelligence collective.

 

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