Smart island

Sur le chemin du futur : l’avènement des SMART ISLANDS ?

À partir du concept de Smart City, nous verrons dans cet article ce qu’un changement d’échelle vers la « Smart Island » engendre comme difficultés et opportunités; et si, finalement, il n’est pas plus évident, pour un pays insulaire que pour une ville, de viser un développement économique durable, co-construit avec sa population.

C’est quoi la Smart City ?

La Smart City, c’est une ville intelligente. Une ville qui cherche à améliorer son organisation et le bien-être de ses habitants tout en limitant l’impact environnemental et en optimisant ses coûts, grâce aux nouvelles technologies. Des objectifs qui se trouvent être plus accessibles en mobilisant des outils technologiques, en recourant au traitement de données et d’informations digitales, et en permettant la participation citoyenne. Actuellement, 50% de la population mondiale vit en ville. En 2050, ce pourcentage passera à 70%. De plus, les villes produisent 80% des émissions de gaz à effet de serre alors qu’elles n’occupent que 2% de la surface terrestre. Il devient alors essentiel pour les villes de se saisir de ces enjeux, de catalyser toutes les énergies et compétences, afin de co-construire, avec les citoyens, des solutions innovantes.

smart cityLe concept anglo-saxon de Smart City, apparu dans les années 80, s’est d’abord développé en Asie, à Singapour, notamment, avant de gagner le continent européen. Loin de concerner uniquement les métropoles, les villes moyennes se sont saisies du concept récemment. Exemple à Bastia, ville de 40 000 habitants, où un lieu physique ainsi qu’une application mobile ont été lancés au mois d’avril pour échanger sur les projets de transformation urbains.

Nul doute, le concept de Smart City s’impose progressivement comme une nécessité, dès lors que le territoire est connecté. L’appui sur des outils technologiques de gestion de la data doit permettre de répondre à des enjeux sociaux et sociétaux contemporains : rendre les villes moins consommatrices en énergie, moins génératrices de déchets, plus organisées, plus sûres et agréables à vivre pour tous.

 

Smart City à l’échelle d’une île : vers le concept de Smart Island

Avec le concept de Smart Island, on entend l’idée de favoriser le déploiement d’innovations technologiques pour en faire un territoire intelligent, s’appuyant sur un modèle de société durable. Si la connectivité généralisée reste un critère fondamental, améliorer la qualité de vie et préserver l’environnement avec un maximum de créativité sont les critères qui satisfont le caractère « Smart ».

La terme de Smart Island ne date pas d’hier. Dès 1993, un réseau d’îles s’est constitué, dans le cadre de la communauté européenne, prenant le nom de « Islenet » Ce réseau avait vocation à rassembler les autorités insulaires qui cherchaient à promouvoir l’autonomie énergétique, ainsi que la gestion durable de l’environnement et des ressources du territoire.

Et si le recours aux nouvelles technologies, associé à des consultations citoyennes renforcées et plus fréquentes, pouvait permettre d’assurer un développement économique et social durable des îles ? Quelle collectivité n’envisage pas aujourd’hui de se mettre au diapason de la « Smart City » ? S’affirmer comme un territoire intelligent ou une ville digitale accueillante, voire inclusive, est devenu une ambition de marketing territorial très en vogue pour la compétition entre territoires, et notamment pour les territoires insulaires. L’enjeu pour les territoires insulaires, marqués par leur taille relative, leur isolement voire leur éloignement, est majeur : problème de connectivité, de démographie, de masse de données etc. Aussi, la question qui se pose relève plutôt du comment et des moyens dont les îles disposent pour pouvoir adopter une démarche de Smart Island, au-delà simplement d’une promesse marketing.

 

La Smart Island : de nouveaux thèmes porteurs ?

Comment  transposer la Smart City à la Smart Island, en s’adaptant aux problématiques et aux enjeux spécifiques des îles, à leur physionomie, à leurs contraintes, à leurs capacités d’action ?

Si les fondamentaux de la Smart City tels que l’éco-mobilité, le mobilier urbain connecté, sont les enjeux des grandes métropoles, d’autres, comme les « smart grids » (réseaux électriques intelligents), la gestion des déchets, la préservation de l’eau, la santé, sont des enjeux déterminants pour les territoires insulaires.

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Les îles, territoires fantasmés comme paradisiaques, concentrent bien souvent les maux de notre société industrielle sur des espaces relativement restreints : exploitation minière (phosphate en Polynésie, nickel à ciel ouvert en Nouvelle-Calédonie), essais nucléaires, mauvaise gestion des déchets, conséquences du réchauffement climatique, tourisme de masse (en rapport notamment avec les surfaces et les capacités d’accueil), inégalités sociales fortes etc. Ainsi, au-delà de projets technologiques innovants, il s’agit pour ces territoires insulaires de trouver des solutions à de graves problèmes de société.

Or, le concept de Smart City/Island dépasse très largement la seule sphère des acteurs publics et suppose l’implication des citoyens dans la conception puis dans la mise en œuvre de solutions durables en matière de transports, d’énergie, de gestion des déchets, de démocratie directe, d’intégration sociale, etc.

De la Smart City à la Smart Island, il y a un enjeu fort de gouvernance, c’est-à-dire de pilotage de l’ensemble des acteurs (public/privé) du territoire visé (ville/pays insulaire), mais aussi de gestion maîtrisée des données.

Pour certains territoires qui revendiquent, dans une certaine mesure, une forme de souveraineté, à l’instar de la Nouvelle-Calédonie par exemple, il peut s’agir aussi de trouver dans la démarche Smart Island les moyens d’affirmer leur autonomie. En effet, la gouvernance collaborative favorise le vivre ensemble et contribue à créer une solidarité entre professionnels et usagers, associations et riverains, évoluant dans une société numérique et moderne. La démarche de Smart Island vient ainsi renforcer le rôle et le pouvoir de tous les acteurs du territoire, y compris les citoyens qui viennent prendre une part plus étroite aux décisions publiques.

Tous ces éléments mettent en évidence le fait que la notion de Smart Island a toute sa place dans la réflexion contemporaine sur le rôle que doivent jouer les nouvelles technologies et l’innovation sur le quotidien des individus. Finalement, l’entité « île » semble constituer un cadre expérimental idéal et particulièrement stimulant, qui impose de raisonner à une échelle différente à l’entité « ville ».

Quels particularismes pour les Smarts Islands ?

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La question de l’appétence des « Islanders » aux nouvelles technologies

Elle impose de s’interroger sur la propension, pour les citoyens des îles, à utiliser des nouvelles technologies et autres dispositifs connectés. S’il est vrai que les îles sont confrontées à de graves problèmes de société dus, en partie, à leur situation géographique particulière, on ne peut pas douter de la capacité des îles à mobiliser des outils technologiques innovants pour répondre aux problématiques auxquelles elles sont confrontées.

La consultation citoyenne dans une île : une implication simultanée des résidents et de la diaspora est possible

Ainsi, l’idée d’organiser des délibérations citoyennes en s’appuyant sur des technologies d’innovation ouverte fait doucement son chemin. Ces délibérations pourraient permettre d’élaborer des outils de mise en œuvre de politiques locales, à l’échelle des îles, en se basant sur une philosophie d’action innovante ! Ce genre de pratiques pourrait constituer un moyen efficace d’implication de la diaspora dans la co-construction de projets innovants. D’autant plus qu’on sait le fort attachement des « expatriés » à leur île natale. La confrontation des visions entre résidents et diaspora, par le débat numérique, constitue une formidable fenêtre d’opportunité pour travailler au développement souhaitable des îles. Un développement qui ne peut être mis en œuvre que par la concertation et la démocratie, qu’il faut faire vivre et revivifier. Pour cela, l’organisation de débats publics insulaires, impliquant le plus grand nombre, apparaît comme une solution enthousiasmante.

Un exemple de débat dans les îles : le cas du tourisme ?

Le secteur du tourisme constitue un axe fondamental sur lequel repose, bien souvent, l’économie des îles. S’il favorise la production de richesses, il peut aussi avoir des conséquences néfastes : impact sur l’environnement et la biodiversité, distribution inégale des ressources, tourisme de masse et problème de transport. Ce genre de débat pourrait aussi bien porter sur le secteur culturel, agricole, environnemental, artisanal, entrepreneurial, les transports. Il est d’ordre systémique et peut engager des acteurs économiques insulaires divers et variés, y compris les résidents, ou les hôtes.

Imaginons un débat impliquant toutes les parties prenantes du secteur : les professionnels du tourisme, les clients, les locaux. L’organisation d’un tel débat, sur une base numérique, permettrait de co-construire un nouveau modèle de tourisme, plus démocratique, intégrant notamment la notion de développement durable et pouvant faire émerger une marque particulière au Territoire.

Agrégation de données et participation citoyenne à l’échelle de la Smart Island constituent un formidable terreau pour co-construire, dans les îles, une société fécondée par l’intelligence collective.

 

Article co-écrit avec Ghjuvan Simeoni, étudiant en M1 Action Publique et Régulations Sociales à l’Université Paris Dauphine, et Stéphane Bouquillard, consultante basée en Nouvelle-Calédonie